Aujourd’hui, ensemble, arrêtons la désinformation.
Revérifions les sources.
En effet, sur Wikipedia, en tapant le mot « Maillane », vous tomberez sur un blason :
Soyons d’accord sur un fait : il est magnifique !
Mais il a DEUX problèmes pour toutes celles et tous ceux qui aiment Maillane :
Nous avions déjà vu, dans un précédent article, que la graphie originelle du trigramme de Jésus était « IHS » et non pas « JHS »…
Mais un autre détail devrait attirer votre attention…. Les clous !
Pourquoi 5 clous ?
Ceci ne vous choque pas ?
Rappelons que ces clous sont les clous de ce que l’on nomme « La Passion » est qui est en fait le symbole de la mort de Jésus Christ. Deux pour les poignets (et pas dans les paumes des mains), et un pour les pieds croisés l’un sur l’autre. Le but de la mort par crucifixion étant le fait de tuer par étouffement (en agrandissant la cage thoracique avec le poids du corps, et ainsi empêcher le supplicié de respirer). C’est donc une mort très lente, qui, d’ailleurs posa souci. Car les romains avaient peur qu’avec la nuit tombée, et le sabbat, des partisans ne viennent pour décrocher les suppliciés.
Ainsi, la coutume était de briser les genoux des condamnés à mort afin que leurs jambes ne les porte plus, et que l’étouffement s’accélère.
Illustration : 21 mars 1986 , The Journal of the American Medical Association.
« 31 Dans la crainte que les corps ne restassent sur la croix pendant le sabbat, -car c’était la préparation, et ce jour de sabbat était un grand jour, -les Juifs demandèrent à Pilate qu’on rompît les jambes aux crucifiés, et qu’on les enlevât. 32 Les soldats vinrent donc, et ils rompirent les jambes au premier, puis à l’autre qui avait été crucifié avec lui. 33 S’étant approchés de Jésus, et le voyant déjà mort, ils ne lui rompirent pas les jambes; 34 mais un des soldats lui perça le côté avec une lance, et aussitôt il sortit du sang et de l’eau. »
Bible de Louis Segond – Jean 19,31-34
Reprenons, à quoi servent ces clous ? A maintenir le supplicié sur la croix…
Et comment le maintient-on sur la croix ? 3 Clous ? Et Pourquoi pas 5 ?
Très bien… Alors faisons le compte…
Le bras gauche… Un clou..
Le bras droit… Un clou…
La jambe gauche… Un clou…
La jambe droite… Un clou…
Cela fait 4 clous ! Et le 5è ? Où peut-on planter le 5è ???
Rassurez-vous, nulle part ! Il y a en effet une raison historique à cette erreur : une mauvaise information transmise au XIXès dans un ouvrage de référence.
En effet, ces clous sont les clous de la Passion. Que l’on nomme :
Les Saints Clous
Saints clous… Saints clous… Saints clous…
Maintenant, imaginez que vous soyez quelques centaines d’années (une ou deux, pas plus) en arrière, et que vous demandiez que vous soit décrit le blason de Maillane.
En énonçant « Les saints clous » avec un accent provençal appuyé, il est fort probable que vous entendriez « cinq clous ». 5 clous !
« Saints clous » / « Cinq clous ».
Et c’est cette erreur qui se retrouve justement à partir de l’année 1866 dans l’ouvrage : Armorial des communes de Provence, ou Dictionnaire géographique de Louis J S. de Bresc (qui est une référence dans le domaine de l’armorial provençal)
Voici ce qu’il dit sur Maillane :
Et voilà ! » soutenu des cinq clous de la passion »… Soutenu des Saints clous de la Passion…
Qui sont « saints », et pas « cinq » !
Mais regardez, la coquille ne s’arrête pas là. Car dans le texte il déclare » les armes de Maillane sont IHS, anagramme qui signifie Jésus Hominum Salvator »
Il confirme que les armes de Maillane sont IHS. Et que dessine son graveur ?
1866 Armorial des communes de Provence, ou Dictionnaire géographique
JHS… Car ayant de nombreux blasons à graver, le ou les graveurs ont certainement dû aller au plus pressé, et se limiter de lire la courte description. Regardons la page entière, tout en bas, à gauche :
1866 Armorial des communes de Provence, ou Dictionnaire géographique
Le graveur qui réalise ce blason n’a jamais vu le blason de Maillane réellement. Il le fait par description.
Un vrai amoureux de Maillane n’aurait pas fait cette erreur. Ou, en tout cas, il l’aurait vite corrigée !
Car, d’ailleurs, la meilleure preuve en est sur le frontispice de l’hôtel de ville du village qui a été sculpté en 1842.
Puisque si vous regardez la mairie, du côté de la porte qui se trouve cours Jeanne d’Arc, en levant la tête. Qu’y verrez-vous ?
Plissez un peu plus les yeux…
IHS, et 3 clous…
Par 5, pas 12, pas 25… 3 clous !
Mais savez-vous quel est le symbolisme religieux de ces trois clous ?
Et bien ceci est un autre article !
Hervé H.Lecoq
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Pour connaître l’Histoire de Maillane, il existe différents ouvrages.
Nombre sont épuisés, mais disponibles à la bibliothèque de Maillane en consultation :
Henri Moucadel – Maillane, le temps retrouvé, Equinoxe, 1992.
Danis Poullinet – Maiano, 1923
Auguste Force, Marius Fraize, Henri Moucadel, Paroisse Sainte-Agathe, Le Clocher de Maillane 1923-1928 : L’entre-deux-guerres au pays de Mistral, Gaspar, 2001.
Auguste Force, Marius Fraize, Henri Moucadel, Paroisse Sainte-Agathe, Le Clocher de Maillane 1929-1940 : L’entre-deux-guerres au pays de Mistral, Gaspar, 2006.
Marcel BONNET – La carreto-ramado, la charrette provençale en son terroir et en son temps, Equinoxe, 1994.
Barthélemy-A. Taladoire, Maillane, 1959
Pierre Rollet, La vie quotidienne en Provence au temps de Mistral, 1972
R.P. Honorat de Maillane, Notre-Dame de Grâce de Maillane : précis historique sur son culte et sa fête du 28 août et du 29 août, 1899.
Les olivades : texte et traduction / oeuvres de Frédéric Mistral, 1912
La Barone d’Orsan, Maillane en Provence, 1922
Jean-Paul Clébert, Mistral ou l’empire du soleil : 1830-1860, JC LATTES, 1983
Et bien évidemment :
Frédéric Mistral, Mémoires et souvenirs
Vous avez des suggestions d’ouvrages ? Des documents rares numérisés à soumettre ? Merci de nous contacter : webmaistremalhana@gmail.com
Que l’on soit croyant ou non, l’Histoire de Maillane est entrelacée d’une vie religieuse omniprésente qu’il convient de comprendre pour saisir les traditions qui rythment la vie du village.
Dans les évènements rythmant cette vie du village, il en est un qui se base sur un fait historique précis : la célébration de la fin de l’épidémie de choléra à Maillane qui se déroula du 13 au 28 août 1854 que l’on attribue à une dévotion populaire spontanée à une statue du Moyen-Age d’une Vierge à l’enfant que l’on nomme « Notre-Dame de Grâce ».
Statue de Notre-Dame de Grâce
Déroulement des célébrations
Ainsi, les 28 et 29 août de chaque année, des célébrations ont lieu à Maillane, culminant par la reproduction de la procession, toujours très suivie, de la statue de la Vierge dans les rues du village. A cette occasion, les habitants sont invités à organiser sur le pas de leur porte un petit autel présentant une statue de la vierge accompagnée de compositions florales.
Ddévotion personnelle contemporaine d’une habitante du village dont la maison se situe sur le trajet de la procession
Chaque année, depuis 1854, tout commence 3 jours avant, dès le 25 août, où un triduum est célébré tous les soirs à 21h. Il s’agit ici d’une préparation spirituelle donnant lieu à une prédication sur le thème de la Vierge.
Le 28 août, une cérémonie de vénération est organisée pour les enfants à 9h30 dans l’église, suivi d’une confession. Une nouvelle confession est organisée pour les adultes à partir de 16h30 et, à 19h, débute la procession commémorative du Miracle suivi du Salut du Saint-Sacrement. Une veillée de prières est alors réalisée jusqu’à 23h, heure d’une messe.
Procession observée depuis la maison St Roch
Le lendemain, 29 août, se nomme « La journée de la Reconnaissance ». Celle-ci est organisée depuis 1855 mais avec des évolutions : tout débute à 8h30 par une messe du pèlerinage des Gravesonnais.es depuis que Melchior Richaud (curée de Graveson de 1883 à 1900) l’instaura pour permettre aux membres de la commune voisine de remercier Notre-Dame de Grâce.
A 10h30 une grande messe a lieu et une chorale accompagnée de la Muso Maianenco accompagnent celle-ci.
Chaîne Youtube : Lardière JP / Vidéo d’une trentaine de minutes
16h30, des vêpres précèdent la procession de la Reconnaissance qui débute à 17h (jusqu’à 18h, pour le Salut du Saint-Sacrement).
Toutefois, avant de vous résumer succinctement les évènements qui ont conduit à répéter cette cérémonie depuis plus de 150 ans, permettez-nous d’axer cette communication sur d’autres aspects tout aussi important pour comprendre ces fêtes.
Pourquoi hommes et femmes sont-ils séparés dans la procession ?
Le Révérend Père Honorat, en 1899 déclare : « Par une délicatesse touchante, chaque année à Maillane, le jour anniversaire de leur guérison, les miraculés, hommes et femmes, ont l’honneur de porter la statue de Notre-Dame de Grâce. Seules aussi, celles qui ont été guéries ont le grand voile blanc des provençales, à cette procession qui a toujours à son début un caractère de deuil, à cause des souvenirs qu’elle fait revivre. A mesure que la mort fait des vides, ce sont les familles des miraculés qui reçoivent, comme un héritage sacré, ces privilèges. »
Pour qui a participé à la procession, il est commun de savoir que la procession sépare hommes et femmes .
Mais pourquoi cela ?
Et en 1899, Honorat écrit : « Durant les premiers anniversaires, alors que tous les cholériques sauvés étaient encore vivants,voici quel était l’usage: les femmes qui avaient été guéries portaient la statue de la Vierge jusque sur la place principale de Maillane; ensuite c’était le tour des hommes qui avaient été sauvés. »
La couleur violette de la robe de Notre-Dame de Grâce et des célébrants est associé à la notion de deuil.
Mais ceci trouve très probablement une origine dans l’organisation de la messe, qui avant le Concile Vatican II (et même officiellement jusqu’en 1983), séparait hommes et femmes.
Il est souhaitable que les hommes et les femmes, dans les églises, soient groupés séparément, selon l’ancienne discipline. Quand ils assistent aux fonctions sacrées, spécialement à la messe, soit à l’église, soit au dehors, les hommes doivent être découverts, à moins que les circonstances n’imposent le contraire, ou que les usages n’exigent qu’ils restent couverts; quant aux femmes elles doivent avoir la tête couverte et être vêtues modestement, surtout quand elles s’approchent de la sainte table.
Lois de l’Eglise catholique, Code Canonique, III, Du Culte Divin, 1262, 1917.
Pourquoi la statue de la Vierge fut-elle convoquée pour sauver du choléra ?
L’ouvrage du R.P. Honorat (cité plus bas) met en avant la piété des Maillanais, et notamment leur dévotion envers la Vierge tombée en désuétude aux alentours des années 1840. Toutefois, lorsque l’on côtoie intimement l’Histoire du XIXès, d’autres éléments sont à prendre en considération.
En effet, le XIXès est le siècle du développement de la notion que l’on nomme « L’Immaculée Conception ».
Il s’agit en effet d’un dogme proclamé le 8 décembre 1854 par le pape Pie IX dans la bulle Ineffabilis Deus.
Cette bulle ne sort pour autant pas des nuées, puisque dès 1848 le pape sollicite des théologiens, des cardinaux, l’intégralité des évêques et des directeurs de congrégations à statuer sur le fait de savoir si la mère de Jésus a été exempte du poids du pêché originel pour donner naissance à Jésus (encyclique Ubi primum du 2 février 1849.
Le « culte marial » (lié à Marie) est donc à son paroxysme en cette année 1854.
Mais d’où provient cette discussion sur le fait de savoir cette exemption du pêché ?
Et bien d’une épidémie de choléra justement ! Une autre ! Antérieure. Et qui trouve ses racines dans une apparition de la Vierge à une religieuse.
En effet, en 1830, rue du Bac, à Paris, une novice aurait eu une apparition de Marie, la mère de Jésus, lui demandant de faire graver une médaille portant une inscription permettant d’accorder des prières à qui l’invoque (à ce propos, le seul article sérieux et le moins mystique possible peut être attribué à Pélerin Magazine ici)
Mais c’est en 1832 qu’une épidémie de choléra éclate, et des médailles commémorant cette apparition sont distribuées. Naturellement, rapidement, des cas de rémission y sont liées. Porter la médaille de la vierge permettrait ainsi de pouvoir guérir…
« Médaille miraculeuse » au texte : « « Ô Marie conçue sans péché, priez pour nous qui avons recours à vous«
Deux ans plus tard, 500.000 médailles se sont écoulées, 1 an plus tard la barrière du million est dépassée, en 1839, 10 millions, et en 1876, à la mort de la sœur, le milliard est franchi.
Notons d’ailleurs que lorsque Bernadette Soubirou certifia en 1858 avoir aperçu la Vierge dans la grotte de Lourdes, celle-ci portait dans sa poche une de ces médailles.
Cet engouement pour le culte de la « Vierge » créera de nombreux heurs parmi les fidèles, certains hurlant même à la création d’une « déesse » équivalente au veau d’or de l’Ancien Testament qui créa le courroux de Yahvé (nom de Dieu dans la religion chrétienne).
De là, doit-on y voir l’explication du retrait de la Vierge de la petite église de Maillane par un curé réfractaire au culte marial ? Rien ne le prouve, mais rien n’empêche de le songer.
Cette croyance de protection contre le choléra par l’intermédiaire d’une statue toucha-t-elle uniquement Maillane ?
Et bien non ! Ceci fut ainsi le cas dans d’autres villages de France. Ainsi à St Affrique (dans l’Aveyron), on pria la Vierge pour que l’épidémie cesse, et, plutôt que d’associer les efforts d’assainissements des rues du village, on attribua à Marie la fin de l’épidémie. Tout comme à Vesoul, Nice, Grenoble, mais aussi à Pierrelatte dans la Drôme, dans la Haute-Saône, et bien d’autres endroits…
L’histoire du miracle ?
En tout cas, qu’importe ses croyances, permettez-nous de vous partager un très bon résumé global de la chronologie des évènements qui se déroulèrent à Maillane qui a été réalisé sur le site Tradicioun (en français) : http://www.tradicioun.org/Notre-Dame-de-Grace-de-Maillane
Et si cette lecture vous est fastidieuse, voici un petit résumé :
Résumé
Ne conservons donc en mémoire que quelques éléments. Tout d’abord le fait qu’à l’été 1854, la France en général, et Maillane en particulier, sont frappés par la 3è pandémie de choléra. Près de 50 personnes passèrent ainsi de vie à trépas dans le village.
Rappelons au passage qu’il faudra attendre 1883 pour que la Science réussisse à isoler ce bacille. Car il s’agit en réalité d’une infection bactérienne provoquant des diarrhées aiguës à cause d’un virus que l’on nomme le bacille de Gramnégatif Vibrio cholerae, que l’on ingère en consommant de l’eau contaminée et qui génère une toxine provoquant les symptômes.
Bacille du Choléra visible au microscope électronique
Ainsi, notre village voit au mois d’août les morts se succéder.
La moitié de la population, ayant déserté le village pour se retrancher dans les campagnes environnantes, il est ainsi estimé qu’au moment du miracle, seuls 110 habitants étaient encore présents, dont 30 malades (et 8 gravement).
Le lundi 28 août, M. Martin (enseignant de l’école publique) et Louis Mistral, discutaient dans la maison des Mistral quand l’abbé Moulin (curé du village), l’abbé Fouque et l’abbé Jailler (natif du village, mais curé de Ventabren) les rejoignirent. Discutant de l’épidémie, les deux hommes proposèrent aux religieux d’organiser une procession en allant chercher la statue de la vierge conservée à l’école des religieuses (actuel Roudelet).
La situation étant désespérée, décision est prise de réaliser cette procession sans attendre d’autorisation de la hiérarchie ecclésiastique.
Les cloches du village étant restées muettes furent alors sonnées, et 6 ou 7 Maillanaises accompagnées de 4 Maillanais se rendirent à l’appel de l’église. Cette assemblée se rendant à l’école des religieuses, les processionnaires allèrent voire Madame Saint-Sauveur et la soeur Marie afin de demander à se faire remettre la statue mise au rebut quelques années plus tôt hors l’église par un prêtre ayant depuis lors changé de paroisse.
La troupe se composait alors de 25 habitants.es et, sur leur retour, le Révérend Père Honorat déclare qu’ils étaient déjà une soixantaine.
Ce qui laisse toutefois dubitatif, car ceci signifierait que l’absolue totalité des personnes saines se soient rendues à l’appel des cloches du village.
Cependant, de la maison St Roch (que l’on peut voir sur la gauche de la mairie actuelle), une table fut sortie, et la vierge en bois exposée dessus.
Tous tombèrent à genou, et le Sub Tuum fut entonné
Il était alors 18h, et, selon la légende, plus aucun habitant.e ne mourut.
Et c’est ce miracle que, depuis lors, les Maillanais.es célèbrent.
Bourdelais Patrice, Demonet Michel, Raulot Jean-Yves. La marche du choléra en France : 1832-1854. In: Annales. Economies, sociétés, civilisations. 33ᵉ année, N. 1, 1978. pp. 125-142.
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« La St Éloi est toujours l’avant dernier week-end de juillet. Ça a toujours été comme ça ». Rien n’est moins vrai que cette affirmation que vous pourriez entendre. Toutefois, avant de vous expliquer pourquoi, revenons ensemble sur quelques points d’explications.
Fanion de la Confrérie de St Eloi – édition 2019.
Que nous dit Frederi Mistral dans Œuvres (Calendal. Texte et traduction, A. Lemerre (Paris), 1887) ?
Qui était cet Éloi que l’on fête ?
Historiquement, St Éloi (ou « Sant Aloï » en provençal) est un orfèvre, également maréchal-ferrant (travaillant les métaux plus généralement), et qui, sur la fin de sa vie, fut évêque de Noyon.
Ordination de saint Éloi à l’évêché de Noyon. XVe siècle.
Mort en 640 il devint par la tradition de légendes autour d’évènements supposés marquants de sa vie, le saint patron des orfèvres, des métallurgistes, de ceux qui travaillent le fer et l’acier, mais aussi dans l’Armée de l’air et l’aéronautique le patron des mécaniciens, et enfin le protecteur des maréchaux-ferrants, des « ménagers » et donc des bêtes de labour puis du labourage, pour enfin devenir une occasion de célébrer l’agriculture.
Saint Éloi et les fiancés, tableau de Petrus Christus, 1449. New York, collection Lehman. Giraudon.
En réalité, à Maillane, nous célébrons deux fêtes. Une en hiver, et une en été (comme pour les deux St Jean, St Jean d’été pour St Jean le Baptiste, et St Jean d’hiver pour St Jean l’évangéliste). L’une des fêtes célèbre le souvenir de la mort de St Eloi (St Eloi d’hiver, puisque sa mort date du 01/12/640), et l’autre le transfert de ses reliques, ses ossements (St Éloi d’été du 25/06/1157).
Les fêtes de la St Éloi sont liée à ce que l’on nomme : La Confrérie de la St Éloi. Organisation réformée en 1854 par l’intermédiaire de Louis Mistral et travaillant actuellement avec le Comité des fêtes de Maillane pour l’organisation.
Qu’est-ce que la charrette de la Saint Eloi ?
Il s’agit d’une tradition du Nord-Ouest des Bouches-du-Rhône, d’une charrette revêtue de feuillages à laquelle tous les cultivateurs et propriétaires d’animaux de labours, aisés, devaient atteler un animal sellé de manière spectaculaire pour être promenés. Suivant les villages, les branchages pouvaient être des peupliers, des saules, des ormes, ormeaux ou des frênes. Bref, tous les arbres qui ne donnaient pas de fruits.
La charrette est actuellement constituée de chevaux, mais Frederi Mistral nous raconte dans ses Mémoires que jusqu’au début du XXès la procession était constituée principalement de mules et de mulets (animaux utilisés aux champs).
L’autre nom provençal de la charrette, hormis le terme « carreto-ramado » est « carreto-menagiero ». Car c’était la charrette des ménagers, c’est-à-dire des paysans exploitants un lopin de terre leur appartenant. Ceux-ci cultivaient en Provence du blé, des céréales, des chardons dits « bonnetiers », mais aussi de la garance.
Pourquoi célèbre-t-on Saint Éloi ?
Une des explications les plus plausibles fut tout simplement le fait qu’Éloi, alors nommé Eligius dans sa nomenclature latine, fut un orfèvre certes, mais surtout fut celui qui battait les monnaies des rois mérovingiens Dagobert et Clothaire II. Et au cours de son service, celui-ci fut envoyé à Marseille pour battre monnaie.
Des pièces ont ainsi été retrouvées et situent le passage de St Eloi en Provence autour des années 625-640.
Après sa mort, le souvenir de ce Saint qui aurait ainsi été présent dans la région d’Arles-Marseille aurait été un honneur pour les habitants, très satisfaits d’avoir eu le passage d’un Saint sur leurs terres.
Mais les « Saint Éloi » étaient avant tout les fêtes de patronage des paysans et des propriétaires aisés.
Celles-ci donnaient lieu à des processions. Voici pourquoi on parle de « roumavage » ou de « roumeirage ». Ce mot provenant du mot « roumieu » qui désignait un pèlerin se rendant à Rome (Rome étant l’un des 3 principaux pèlerinages du Christianisme avec la Terre-Sainte et Compostelle).
Ces processions se déroulaient ainsi lors de fêtes dites « patronales », où un Saint était désigné comme intermédiaire entre Dieu et la classe de travailleurs en question (leur saint patron). A cette occasion, avait lieu un « voto », c’est-à-dire une fête (dite fête « votive ») qui était sensée être un acte de pénitence, de profond regret, de remord, pour toutes les offenses envers Dieu qui avaient pu être réalisées dans la période depuis le précédent pèlerinage.
Cette notion de pèlerinage explique ainsi la raison pour laquelle les chevaux réalisaient des tours dans le village. En effet, s’agissant d’une procession, celle-ci était réalisée sur les chemins réalisés hors les murs de défense existants au Moyen-Age (le cours Jeanne d’Arc étant représentatif de ce chemin hors les murs. N’oublions pas ainsi qu’une des portes d’entrée du village se situait au niveau de la pizzéria actuelle). Puis, avec l’incorporation des murs et l’agrandissement du village, ceci devint une tradition qui coïncide avec la forme si particulière de notre centre village.
La St Éloi de l’avant dernier dimanche de Juillet
Notons également que la St Éloi d’été n’a pas toujours eu lieu en Juillet à Maillane. Ce n’est ainsi qu’en 1921 que la date officielle, actée par le conseil municipal, a été déplacée du 1er dimanche après la St Jean Baptiste vers l’avant dernier dimanche de Juillet. Ceci, bien évidemment, pour des raisons pratiques : le nombre de propriétaire de chevaux et de mulets diminuant, les moyens furent mutualisés entre les différents villages du Nord-Ouest des Bouches-du-Rhône pour une répartition des chevaux et des selleries tout le long de l’été.
Souvent 3è dimanche de Juillet (rarement le 4è), cette date était utilisée auparavant par les habitants de Châteaurenard pour célébrer le Saint. Ainsi, en juin, 3 villages célébraient St Éloi jusqu’au début du XXès : Maillane, Graveson et Barbentane.
Almanach Provençal de 1857
Que fête-t-on à la St Éloi ?
La St Éloi est ainsi une fête double. Traditionnellement, St Éloi était célébré par deux catégories de travailleurs : les forgerons, les orfèvres (hiver) ; mais aussi les propriétaires d’animaux de labours (été).
Almanach Provençal de 1857. La Saint Éloi d’hiver se fêtait déjà le 2è dimanche après la St Jean d’hiver.
La St Éloi d’hiver était donc sensée être une fête de métiers aisés, et la St Éloi d’été de métiers plus simples.
A cette occasion, était mise à l’enchère un fouet. Celui qui donnerait le tempo aux animaux pour avancer (l’argent récolté servant à alimenter les participants à la fête). L’homme le plus aisé ayant remporté l’enchère était alors nommé « Prieur » et devenait le principal protagoniste de la fête.
Mistral nous narre ainsi ses souvenirs de charrette de St Éloi en nous témoignant voir sur les mules et les mulets les enfants assis, une tortillade (« tourtihado », sorte de brioche en forme de couronne) à la main et un fanion en papier avec l’image de St Éloi. Ce fanion était fixé sur des bâtons d’osier car celui-ci poussait librement dans les fossés des champs.
A pieds, les prieurs de l’année passée portaient le Saint en pleine gloire avec la crosse à la main.
Suite à cette procession, 50 mulets partaient alors en faisant rouler la charrette avec à leur côté les garçons de labours habillés en chemise, le bonnet blanc de laine fine sur la tête, une ceinture au flanc (la « taiolo », ou « taiole »), et des souliers fins (ou minces, en provençal : « li soulié prim ») et qui se distinguait des souliers des champs.
A noter, l’usage pour les garçons de labour de se tenir à gauche des animaux était bien une particularité provençale, et en remontant vers Lyon, il convenait de tenir l’animal à droite.
Puis, avec la mutualisation des bêtes et des arnachements, progressivement, la charrette de Maillane gagna en vitesse.
Des mauvaises langues diraient que ceci fut du au fait que la charrette de Graveson courrait également à pleine vitesse, réalisait des virages à quasi angle droit et que les habitants de Maillane désiraient que leur charrette soit la plus rapide… Chacun se fera son avis sur cette assertion…
Les autres charrettes
Notons enfin que différentes charrettes existent en Provence, celle de la Madeleine (pour les Jardiniers) ou de St Roch (pour les villages proches de l’eau tels que Chateaurenard ou Rognonas). A St Remy la confrérie de St Eloi regroupait depuis les origines tous ceux travaillant la terre (agriculteurs, maréchaux, serruriers, orfèvres), mais une charrette paysanne est aussi célébrée à St Marc.
St Marc, qui fut également célébré à Maillane, lorsque Maillane était un village ayant une communauté vigneronne, mais ceci est un autre article…
En regardant votre calendrier, vous pourrez voir à la date du 5 février un prénom : Agathe.
Sainte Agathe en l’église de Maillane, mais sans les attributs traditionnels de la Sainte.
Vierge martyre, son prénom désigne Agathe de Catane, ou Agathe de Sicile ou de Palerme (en provençal : Agato ou Gato, Agueto, Gueto) personnage historique mort en l’an 251 ap JC).
Sainte Agathe, Francisco de Zurbarán, Musée Fabre, Montpellier.
« Sainte Agathe » est une jeune femme qui, très belle et issue d’une très riche famille, fut convoitée par le proconsul de Sicile. Celle-ci se refusant à lui, et étant très pieuse, il la fit transférer dans un établissement de prostitution (un lupanar) afin de lui faire abjurer sa foi.
En vain.
Celle-ci se refusant toujours obstinément à lui, il la fit jeter en prison, puis torturer.
Parmi ses souffrances, ses seins furent arrachés à l’aide de tenailles (voici d’ailleurs pourquoi elle est souvent représentée avec sa poitrine sur un plateau dans ses bras). De ceci découlera d’ailleurs la tradition dans certaines régions de réaliser des pains dits « de la sainte Agathe » qui sont en réalité un souvenir des seins arrachés de la sainte.
Pain de la Sainte Agathe, surtout réalisé dans le Var.
Quasi morte, elle prétendit avoir reçu l’apparition de l’apôtre Pierre qui procéda à une guérison miraculeuse.
Torturée à nouveau, elle perdit la vie, mais non sans partir durant un tremblement de terre (probablement dû au volcan Etna tout proche) qui précéda d’un an une éruption dudit volcan qui emporta son tourmenteur.
Toutefois, le volcan déversant sa lave, la légende raconte que des habitants se saisirent du voile qui recouvrait sa sépulture, et, par intervention divine, la coulée s’arrêta devant le voile.
Ainsi, en Sicile, cette sainte est invoquée contre les feux de l’Etna, mais à Maillane, celle-ci détient un statut particulier puisqu’il s’agit de la sainte patronne du village, défendant celui-ci contre la foudre et l’incendie tout particulièrement.
Les proverbes provençaux y font associer la fin de l’hiver, et si celui-ci ne finit pas, l’occasion de festoyer. En voici quelques uns accompagnés d’une proposition de traduction :
A santo Agueto
Pren ta boutiheto,
Vai à ta vigneto;
Se noun ié vas pèr travaia
Vai-ié pèr gousta.
A la Sainte-Agathe
prends ta petite bouteille
va à ta petite vigne
si tu n’y vas pas pour travailler
vas-y pour goûter.
Dicton arlésien relevé par Fernand Benoît.
Santo Agueto
Emporto la fre
Dins sa saqueto;
Mai souvènti fes
Sainte Agathe
emporte le froid
dans son sac
ou bien le répand
Ainsi, le 1er dimanche suivant le 5 février, depuis 1282, une attention particulière est sensée lui être réservée à Maillane afin de conserver ses faveurs. Une grande fête lui était alors organisée, avec des danses, des jeux, de la lutte provençale, des concours de sauts, mais aussi des courses d’hommes ou de mulets ! (préfigurant la St Éloi).
La veille, les cloches du village sonnaient, et des roulements de tambours ainsi que des sérénades étaient exécutées. Le lendemain, des aubades, une messe solennelle et une procession générale à travers le village étaient effectuées.
Almanach provençal de 1855.
Ainsi, l’Almanach Provençal (Armana Prouvençau) de 1855 nous dit pour cette date : « Lucho, courso d’ome, de miech-ome e de viei, saut sus l’ouire, courre dius lou sa, estranglo ».
L’usage contemporain est toutefois devenu l’organisation d’une « abrivade », d’une « encierro », d’un concours de belotte et d’une soirée pour la journée du samedi, puis à nouveau d’un concours de belotte et d’un concert pour le dimanche.
Ainsi, si nous voyons que les siècles ont laissé de côté cette notion de fête populaire participative, pour quelles raisons fêtons-nous toujours tout de même le souvenir de cette sainte ?
Sans faire de prosélytisme, expliquons ainsi certains termes et notions et notamment le concept de « saint patron ».
Dans la culture chrétienne, qui a fortement influencé notre Histoire, le saint patron est un intermédiaire entre Dieu et les hommes. Les hommes lui rendent hommage, et attirent ainsi sur eux sa bienveillance afin de leur accorder ses faveurs.
Chaque corporation professionnelle était alors, jusqu’à l’époque contemporaine, placée sous le patronage d’un saint.
Or, à Maillane, ce saint, ou plutôt cette sainte, fut imposée en 1282 par un de ses coseigneurs : Guillaume III de Porcelet. L’église qui se nommait alors « Notre-Dame de Bethléem » se fit alors appeler « Saint Agathe ».
D’autres ayant raconté bien mieux que nous cette Histoire, vous trouverez en bas de cet article quelques liens afin de poursuivre la question sur cet épisode de l’Histoire italienne que l’on nomme « Les Vêpres siciliennes ».
Les Vêpres siciliennes (1846), par Francesco Hayez.
Retenons juste que, un seigneur médiéval du nom de Guillaume III de Porcelet[1], ayant obtenu le gouvernement de la ville de Calatifimi, en Italie, eu à faire face à une révolte populaire des habitants de la Sicile contre l’influence française sur l’ile. Celle-ci fut très violente, et elle se solda par un massacre de tous les français présents le lundi de Pâques 1282.
Tous ? Non. Guillaume III de Porcelet réussit à s’échapper de la ville en proie au carnage après s’être juré de rendre hommage à la sainte si la vie lui était laissée.
En réalité, les chroniqueurs de l’époque (dont Scipione Ammirato) rapportent que ses vertus, sa probité et son respect pour les habitants l’aidèrent grandement, également, à sauver sa vie.
Mais la légende prit une toute autre tournure au début du XXès lorsque la baronne d’Orsan (originaire de Normandie, et avec qui Frederi Mistral correspondait), publia un ouvrage sur Maillane et où celle-ci décrivait une aventure romantique et très probablement romancée entre Guillaume de Porcelet et une belle religieuse de la ville qui tombèrent amoureux, tout en sachant leur amour défendu de par ses vœux de nonne. Celle-ci lui aurait transmis alors lors de la révolte un mot de passage et une prononciation qui permirent au seigneur de s’enfuir. Et pour perpétuer le souvenir de sa belle évanouie dans les replis de l’Histoire, il se jura alors de rendre hommage à la sainte chère au cœur de sa belle[2].
Romancée ou factuelle, l’Histoire retiendra que celui-ci rentra en tout cas en Provence, et fit consacrer le patronage de Maillane à la sainte afin qu’elle soit éternellement remerciée pour le cadeau de sa vie.
Cependant, Frederi Mistral dans ses Mémoires[3] parle de la Sainte Agathe à Maillane. Il y rapporte la venue des « poètes » pour 3 jours de fêtes, avec notamment des épisodes de ce que l’on nomme « la lutte provençale ». Également, 3 ans avant leurs mariages, les jeunes maillanaises cherchaient à obtenir l’honneur de devenir prieuresses de l’autel dédié à la sainte, et que, le soir de la fête, les jeunes couples venaient chanter devant l’église avec leurs collègues musiciens pour rendre hommage à la Sainte (l’histoire d’Agathe de Sicile se rapportant également à la chasteté se refusant au désir charnel).
Une fête donc bien plus importante qu’il n’y parait dans les traditions de notre village et qui mériterait bien de retrouver son côté festif au cœur de l’hiver… Mais ceci, est un autre article…
Hervé H.Lecoq
[1] dit « Guilhem Porcellet », « Guglielmo Porcelleto », « Guillaume Porcelle », « Guillaume de Pourcelles », « Guillaume de Porcello », « Guglielmo Porcelletti » selon les époques et les versions.
[2] La Baronne d’Orsan, Maillane en Provence, 1922 : « Nous avons noté qu’au XIe siècle, Guillaume Ier des Porcellets céda à l’Abbaye de Montmajour la chapelle de Saint-André de Maillane. Preuve évidente qu’il avait le droit d’en disposer, d’autant que cette chapelle devait avoir été édifiée par l’un de ses prédécesseurs. Conclusion rigoureuse: Bien que les Porcellets ne soient qualifiés du titre de seigneurs de Maillane qu’au milieu du XVème siècle, ils en étaient possesseurs dès leur arrivée en Provence vers l’an 1000. […] En mentionnant le troisième changement de vocable de la paroisse de Maillane, maintenant encore sous le patronage de sainte Agathe, nous évoquons le tragique souvenir du Massacre des Vêpres Siciliennes, mars et avril 1282, et celui de la miraculeuse préservation de Guillaume III de Porcellet, l’un des deux seuls Français échappés au carnage. Il est regrettable qu’en Sicile, les compagnons de Charles d’Anjou aient abusé des droits qu’alors s’arrogeaient trop souvent les conquérants. […]. Guillaume III des Porcellets, conseiller d’Etat de Provence et chambellan de Charles Ier, s’était vu attribuer en Sicile le gouvernement de la ville de Calatafimi, et s’en acquittait avec justice et bienveillance. C’est ainsi qu’à la requête d’une supérieure de monastère redoutant pour ses religieuses la licence des soldats, il répondit : — Ma révérende, vous me trouverez toujours prêt à défendre les femmes, et doublement celles consacrées à Dieu. — Et moi, Monseigneur, peut-être m’arrivera-t-il de vous protéger, fit la nonne en s’inclinant. — Auprès de Dieu ? dit en souriant le Provençal qui ne pouvait s’empêcher d’admirer l’éclat des yeux noirs de la solliciteuse. S’en aperçut-elle ? Soudain, d’un pas rapide et furtif, elle s’éloigna tout en mêlant à ses remerciements la pieuse invocation : — Que sainte Agathe vous garde, monseigneur ! — Sainte Agathe, pourquoi ? probablement sa patronne, murmurait le gouverneur trouvant pour la première fois quelque charme à prononcer ce nom…Du temps passa ; le joug de l’envahisseur s’était encore alourdi, et la révolte grondait. Par une mirifique soirée de la fin de mars 1282, alors que les effluves du printemps tout proche emplissaient de douceur l’atmosphère, gonflaient les bourgeons près d’éclater, et invitaient à la rêverie, poétique prélude des tendres enlacements, une femme voilée pénétrait chez le gouverneur de Calatafimi, étonné de pareille intrusion. Il allait appeler ses serviteurs, les tancer de leur manque de surveillance ; la femme lui fit un signe impérieux de garder le silence et leva son voile. — Ma révérende ! s’écria Guillaume de Porcellet ravi de revoir des yeux qui apparaissaient plus brillants de la lividité du visage angoissé. — Monseigneur, balbutia la nonne, et ses lèvres tremblaient… Monseigneur, un grand danger vous menace. A cette heure même vous ne pourriez plus quitter la Sicile. Déjà vos serviteurs ont fui le palais qui sera envahi…— Qu’y a-t-il ?… Qui ose ? — Ne m’interrogez pas, s’écria la religieuse, je ne suis point venue pour trahir les miens, mais pour vous sauver. Des Siciliens désireux de libérer leur pays, ont résolu l’extermination de qui l’oppresse. Le massacre commencé à Palerme s’étendra à toutes nos villes ; le seul moyen d’y échapper est de prononcer le mot de passe donné par les conjurés comme signe de ralliement. Ce mot, je l’ai surpris…Dans un souffle le gouverneur distingua : Ceci (en français, pois chiche ; en provençal, cese). Confirmant la sinistre révélation, des appels au secours, des cris d’êtres que l’on égorge retentissaient non loin du palais. — Vous entendez ? murmura l’abbesse qui ajouta : Vous serez arrêté, mais avec le mot que vous vous efforcerez de prononcer ainsi que nous, il vous sera possible de regagner votre France. Elle répéta en l’accentuant le nom du légume méridional. Puis, à mi-voix : — Vous ne m’oublierez pas ? Sous la guimpe rigide, le cœur de la femme avait battu.— Vous vous appelez? demanda doucement Porcellet qui, dédaigneux du péril, subissait la fascination de l’étrange et séduisant regard.— Agathe, lui fut-il répondu sur le ton de mélancolie qui souligne l’adieu. Et abaissant son voile, barrière mystique entre un penchant trop naturel et le serment prêté au pied des autels, apeurée et frissonnante, la religieuse disparut dans les ténèbres de la nuit tandis que le sang français inondait la terre de Sicile. Sa haute renommée de modération et de bonté aurait peut-être valu quelques ménagements au gouverneur de Calatafimi. Pourtant il est douteux qu’il eût réussi à avoir la vie sauve sans le mot de passe que la connaissance du provençal lui permit de prononcer avec l’intonation si instamment recommandée…Guillaume III garda une vive reconnaissance à la dévouée religieuse et à sa sainte patronne. Il introduisit en Provence le culte de la Vierge martyrisée à Catane ; et nouveau témoignage de la souveraineté des Porcellets à Maillane, l’église du joli village désormais consacrée à sainte Agathe, changea une troisième fois de vocable. Le désir de l’abbesse sicilienne s’était réalisé ; le gentilhomme provençal ne l’oubliait pas… »
[3] Voici ainsi ce qu’en dit Frederi Mistral dans ses Mémoires : « À Maillane, lors de la Sainte-Agathe, qui est la fête de l’endroit, les « poètes » (comme on nous appelait déjà) arrivaient tous les ans pour y passer trois jours, comme les bohémiens. La vierge Agathe était Sicilienne : on la martyrisa en lui tranchant les seins. On dit même qu’à Arles, dans le trésor de Saint-Trophime, est conservé un plat d’agate qui, selon la tradition, aurait contenu les seins de la jeune bienheureuse. Mais d’où pouvait venir aux Arlésiens et aux Maillanais cette dévotion pour une sainte de Catane ? Je me l’expliquerais de la façon suivante : Un seigneur de Maillane, originaire d’Arles, Guillaume des Porcellets, fut, d’après l’histoire, le seul Français épargné aux Vêpres Siciliennes, en considération de sa droiture et de sa vertu. Ne nous aurait-il pas, lui ou ses descendants, apporté le culte de la vierge catanaise ? Toujours est-il qu’en Sicile, sainte Agathe est invoquée contre les feux de l’Etna et à Maillane contre la foudre et l’incendie. Un honneur recherché par nos jeunes Maillanaises, c’est, avant leur mariage, d’être trois ans prieuresses (comme on dirait prêtresses) de l’autel de sainte Agathe, et voici qui estbien joli : la veille de la fête, les couples, la jeunesse, avant d’ouvrir les danses, viennent, avec leurs musiciens, donner une sérénade devant l’église, à sainte Agathe. Avec les galants du pays, nous venions, nous aussi, derrière les ménétriers, à la clarté des falots errants etau bruit des pétards, serpenteaux et fusées, offrir à la patronne de Maillane nos hommages… […] Lors de la Sainte-Agathe, nous allions donc au bal voir danser l’ami Mathieu avec Gango, Villette et Lali, mes belles cousines. Nous allions, dans le pré du moulin, voir les luttes s’ouvrir, au battement du tambour : Qui voudra lutter, qu’il se présente… Qui voudra lutter… Qu’il vienne au pré, les luttes d’hommes et d’éphèbes où l’ancien lutteur Jésette, qui était surveillant du jeu, tournait et retournait autour des lutteurs, butés l’un contre l’autre, nus, les jarrets tendus, et d’une voix sévère leur rappelait parfois le précepte : défense de déchirer les chairs…– Ô Jésette… vous souvient-il de quand vous fîtes mordre la poussière à Quéquine ? – Et de quand je terrassai Bel-Arbre d’Aramon, nous répondait le vieil athlète, enchanté de redire ses victoires d’antan. On m’appelait, savez-vous comme ? Le Petit Maillanais ou, autrement, le Flexible. Nul jamais ne put dire qu’il m’avait renversé et, pourtant, j’eus à lutter avec le fameux Meissonnier, l’hercule avignonnais qui tombait tout le monde ; avec Rabasson, avec Creste d’Apt… Mais nous ne pûmes rien nous faire. »
Et pourtant, vous le verrez, ceci nécessitera une explication très fastidieuse pour bien comprendre plusieurs centaines d’années de tradition.
« IHS c’est Jésus ». Nous l’avons vu dans un précédent article, cette affirmation n’est pas suffisante.
Tout d’abord, précisons qu’en raison de la piété de générations de Maillanais.es, expliquer l’Histoire de Maillane, c’est aussi tenter de comprendre les racines chrétiennes de l’âme de ceux qui nous ont précédés. Essayons donc de comprendre leur langage et les symboles qu’ils utilisaient.
La tradition religieuse chrétienne à Maillane a plusieurs siècles d’encrage. Et Maillane, comme toutes les autres communautés de personnes croyantes a toujours voulu afficher sa croyance. Mais comment désigner Jésus ? Par une croix ? Historiquement, ceci est très tardif !
Les premiers chrétiens désignaient en réalité jésus par le symbole d’un poisson.
Stèle funéraire de Licinia Amias, l’une des plus anciennes inscriptions chrétiennes. Registre supérieur : dédicace aux Dis Manibus et formule chrétienne écrite en grec : ΙΧΘΥC ΖΩΝΤΩΝ / Ikhthus zôntôn (« poisson des vivants ») ; registre du milieu : représentation de deux poissons et d’une ancre ; registre inférieur : inscription latine « LICINIAE AMIATI BE/ NE MERENTI VIXIT ». Marbre, début du IIIe siècle ap. J.-C. Provenance : environs de la nécropole du Vatican, Rome. Source : Wikimedia
Mais pourquoi un poisson ?
Et bien parce qu’en dessinant un poisson, vous verrez très facilement que ceci ressemble à la lettre alpha
En grec le poisson se nomme ΙΧΘΥΣ (ichthys), ou ΙΧΘΥϹ. Les premiers chrétiens en firent un symbole secret pour se reconnaître entre eux. Associant à chaque lettre un mot : Iēsous Christos, Theou Yios, Sōtēr (Jésus Christ, Fils de Dieu, Sauveur).
Pour vous permettre de comprendre pourquoi l’alpha fut utilisé par les premiers chrétiens, citons ici l’Apocalypse verset 21:5 (dernier livre du Nouveau testament, rédigé vers le 1er siècle après JC et où l’auteur, qui se prénomme Jean, raconte dans ce livre une révélation qu’un ange lui aurait faite sur le message de Jésus pour expliquer son époque et la fin de celle-ci. Notons que, par facilité, des lecteurs peu sérieux ont raccourci cela en « la révélation de la fin des temps ». Ceci est plus complexe).
Dans ce livre, Jean voit une fin de monde, et la renaissance d’un nouveau avec l’arrivée d’une Jérusalem céleste. A sa tête, Dieu, déclare : « Voici, je fais toutes choses nouvelles. Et il dit: Ecris; car ces paroles sont certaines et véritables. Et il me dit: C’est fait! Je suis l’alpha et l’oméga » (traduction Louis Segond).
L’alpha et l’oméga. La première et la dernière lettre de l’alphabet grec.
Vous pouvez ainsi voir ces lettres sur l’étole (la longue écharpe) ou la chasuble que portent les prêtres
Exemple ici pris sur un site de vente en ligne. Nous voyons ici que l’Alpha et l’OMEGA majuscules entourent un poisson.
Ainsi, loin de tout prosélytisme, en gardant une démarche de compréhension purement historique, continuons d’expliquer quelques prérequis pour comprendre ce que signifient ces trois lettres IHS.
Car, un poisson, l’alpha et l’oméga, autant pour un public lisant la Bible, ceci était très commun au moyen-âge, autant pour le peuple, voire même pour les lettrés, cela n’était pas très parlant. Ainsi, très rapidement, le trigramme « IHS » ou « JHS » est venu rendre plus simple la dévotion à Jésus Christ.
Commençons ainsi par nous intéresser à ces lettres. Il s’agit en effet de ce que l’on nomme un « trigramme ».
C’est à dire un mot de 3 lettres. En l’occurrence, IHS, qui est une abréviation. Celle qui désigne le nom de Jésus Christ dans les premiers siècles du Christianisme en grec : ΙΗΣΟΥΣ (en majuscule, ou « Ἰησοῦς » en minuscule).
On voit ainsi que pour désigner le nom de Jésus, en réalité, on parlait plutôt de « iésous ». Qui est en fait l’interprétation de son nom hébreu « Iešuʿah » qui signifie « Dieu sauve » (יֵשׁוּעַ ). Voici d’ailleurs pourquoi on dit communément que le prénom le plus authentique de Jésus en version non latine était » Yeshoua ».
Car Jésus est en fait la traduction en latin de ce mot « iésous », et écrit avec les lettres latines, ceci donne IESUS ou JESUS, car le J et le I sont deux écritures d’une même sonorité en latin, le « I ». Ainsi, indistinctement, on peut écrire IESUS ou JESUS.
Et c’est ici que cela se complique. Car rappelez-vous, IHS est l’abréviation de la version grecque » ΙΗΣΟΥΣ « . Donc ceci devrait s’écrire » ΙΗΣ ». Mais, la dernière lettre, le sigma, n’étant pas une lettre de l’alphabet latin, celle-ci a été remplacée par certains copistes à l’époque médiévale par un « S ». et se retrouvent donc mêlées deux écritures, une grecque, et une latine (le « H » étant en fait la lettre » héta » qui se prononce « é »).
De ΙΗΣ, nous passons donc à IHS, mais le I et le J étant le même son en latin, selon les copistes, il était donc possible d’écrire IHS ou JHS pour désigner Jésus de Nazareth.
Mais alors se pose une question : Qui a popularisé ce trigramme IHS à un tel point que celui-ci s’est retrouvé sur le blason d’un modeste village de Provence ?
Ceci fera l’objet d’un prochain article : Pourquoi inscrire IHS dans un blason ? Saint Bernardin et Saint Ignace de Loyola
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« Le blason de Maillane c’est Jésus » entend-on souvent lorsque quelqu’un pose la question. Ce n’est pas tout à fait vrai.
Ainsi, nous consacrerons quelques articles à vous expliquer dans le détail la signification du blason, mais aussi sa probable origine, et les éléments extérieurs qui permettent de le comprendre. Mais tout d’abord, décrivons-le.
La première chose à expliquer c’est que le blason de Maillane est en fait composé de deux éléments dont l’un se nomme « le trigramme de Saint Ignace de Loyola« .
Nous le verrons ensemble dans un autre article, mais ce « trigramme » est en réalité la somme de la croix et des clous de la Passion du Christ (crucifixion par les romains) mais aussi des initiales de plusieurs expressions :
IESUS, HOMO, SALVATOR (Jésus, Homme, Sauveur)
IESUS, HOMINUM SALVATOR (Jésus, Sauveur des Hommes)
IESUM HABEMUS SOCIUM (nous Avons Jésus pour Compagnon)
Ce trigramme IHS est bien antérieur à St Ignace de Loyola (puisque c’est un des premiers symboles chrétiens au monde avec l’alpha (en forme de poisson). Mais le fait d’avoir trois clous sous IHS ramène directement à St Ignace de Loyola et à son œuvre : Exercitia Spiritualia publiée en 1548 dont voici la reproduction :
Comme vous le voyez, dans sa version originale, il n’y a pas de croix. Il faudra attendre 1563 pour qu’ IHS soit surmonté d’une croix et que les clous métalliques apparaissent. Parfois d’ailleurs transperçant un cœur.
Le blason de Maillane est dit en réalité dater de 1697 à l’initiative des Porcellets. Nous verrons dans un prochain article les raisons pour laquelle, si la date est probablement exacte, l’origine du blason est probablement fausse.
Attardons-nous alors sur ce cœur, car la couleur rouge du blason de Maillane est ainsi probablement un rappel de ce cœur qui, dans la religion chrétienne se nomme » cœur ardent » ou « Sacré-cœur » et qui rappelle en fait un concept plus grand qu’un simple organe vivant.
Car, nous pouvons le voir, si au fil des rééditions de l’ouvrage de St Ignace de Loyola, et de sa propagation, ces clous ont pris une forme différente (de simples fleurs, à des clous symbolisant la crucifixion du Christ), ceux-ci ont souvent dans l’imagerie chrétienne transpercé un cœur rouge ardent (en flammes).
Un exemple très simple et très parlant se trouve… sur un des vitraux de l’église de Maillane ! (à main droite lorsque vous êtes face à l’autel).
Sacré-cœur représenté sur un vitrail contemporain de l’église de Maillane. Le Sacré-cœur étant le symbole artistique de la révélation de l’amour de Dieu pour les Hommes dans la religion chrétienne (catholique et protestante). Sur le cœur se trouve la couronne d’épines de la crucifixion.
Un autre indice de ce rappel de la crucifixion se retrouve bien évidemment par la présence de la croix sur IHS au niveau du blason.
Mais pourquoi surmonter ces lettres d’une croix ?
Et bien tout simplement parce que le Sacré-coeur dans l’imagerie chrétienne est très souvent représenté par… un coeur surmonté d’une croix !
Sacré-Cœur de Jésus, peinture de l’école portugaise, XIXe siècle (source : Wikimedia).
En résumé : le blason de Maillane n’est rien de moins que la fusion du trigramme de Saint Ignace de Loyola représentant le nom de Jésus ET du Sacré-cœur transpercé des clous symbolisant la révélation de l’amour de Dieu pour l’Homme.
« Mais où est le coeur ? » me direz-vous.
Regardez bien le blason… n’est-il pas rouge ?
En héraldique (art de faire des blasons), les clous sont ainsi très souvent représentés sur un fond rouge… pour symboliser le Sacré-coeur du Christ.
Ainsi, ce blason n’est pas seulement une pièce d’héraldique, mais le symbole d’un cœur ardent. De plus, ce n’est pas le seul symbole qui reste à découvrir. Ainsi, comme nous le verrons dans un prochain article, ces clous ont, eux aussi, une symbolique perdue dans l’imagerie religieuse.
Mais ceci est un autre article…
Hervé H. LECOQ
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Pour vous en éviter la lecture complète, voici les points essentiels agrémentés de commentaires :
Maillane faisait partie en 1249 du bailliage d’ Autevés (circonscription allant de Saint-Remy à la Durance). Un souvenir de ceci se retrouve notamment route d’Altaves à Saint-Étienne-du-Grès.
Pour ce qui est des sources textuelles, seuls 2 ou 3 textes attestent de l’existence de Maillane avant le XIIIès. La légende toutefois que son nom proviendrait d’un romain nommé Mallius ou Manlius, mais aucune preuve n’existe de la réalité de ce fait.
Au XIIIès les seigneurs de Maillane sont issus de deux familles : les Bénévent et les Eyguières. Cette dualité se retrouve également dans le nombre d’églises qui y trônent, à savoir deux : l’église Saint-Pierre appartenant an prieuré de Montmajour et l’église Notre-Dame.
Au XIIIès une centaine de foyers (comprenez de familles) vivent dans cette zone marécageuse. Ce qui représente probablement 300 à 500 personnes.
En 1328, suite à des revers de fortune, l’un des 4 seigneurs de Maillane est obligé de céder une partie de ses droits. Ainsi, un quart de la seigneurie de Maillane possède alors un statut particulier : celui de l’absence de la servitude.
Tous ceux vivants ou s’installant sur le quart du territoire concerné pourront alors faire commerce de leurs cultures librement mais devront payer une dîme (un impôt) au seigneur, comme à l’Église sur leurs cultures : céréales, raisin et fruits.
En 1331, nouveau revers de fortune, et Pierre de Bennevent doit vendre sa seigneurie (un quart du village). Le comte de Provence en fait l’acquisition, et impose de nouvelles taxes.
Jusqu’à la fin du XIVès, les Bennevent et les Eyguière conservent leurs seigneuries. Mais par la suite, celles-ci changent de multiples fois de mains
Louis de Beauvau, sénéchal de Provence, baron de Châteaurenard, seigneur d’Eyragues et de Graveson réussit en 1460 à acquérir les 3/4 de la seigneurie. Mais il ne réussit pas à acquérir le dernier quart à la femme de Pierre Porcellet (Metelline Guignon). Et après la mort de Louis de Beauvau, ce sont les Porcellet qui réussisent à racheter les 3 quarts au Roi René en 1475 et ainsi réunir Maillane sous une seule et même seigneurie.
A noter, en 1467 Maillane devient un Marquisat. Et ainsi, jusqu’au XVIIIès, le Marquisat de Maillane restera aux mains des descendants des Porcellet.
Pour ce qui est de la population toutefois, il est à noter qu’en 1400, Maillane est notée comme inhabitée, et qu’il faut attendre 1471 pour qu’une vingtaine de foyers y soit référencés (probablement en raison des brigandages : incendies, fuites, etc).
Afin d’aider à l’implantation, en 1478, Pierre de Beauvau, seigneur d’Eyragues accepta de céder l’eau des laurons (puits naturels) d’Eyragues: un béal (étroit canal d’irrigation) la conduisant à travers tout le terroir du Nord-Est au Sud jus-qu’au domaine de Beuil, propriété du sire Jean de Vaulx.
Voici d’ailleurs la note de bas de page d’Edouard BARATIER : « Cette eau provenait du lieu dit de las cours, commençant à la terre des Barralier. Si l’eau, en provenance de Châteaurenard, qui actionnait les moulins d’Eyragues était perdue, les habitants d’Eyragues se réservaient la possibilité de reprendre leur eau. En cas d’innondation, les habitants de Maillane pouvaient faire évacuer le trop plein du béal vers leurs paluds. Les dépenses pour la construction étaient pour les 2/3 à la charge du seigneur de Beuil. L’acte se réfère à un antique béal qui allait par locum antiquum. Un ancien canal aurait-il précédé le réal actuel qui date de cet accord de 1478 ? « .
Si vous disposez d’autres informations sur cette période, n’hésitez pas à nous envoyer un e-mail afin que nous puissions enrichir cette présentation.
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Nous l’avons vu dans deux précédents articles (ICI et ICI), le blason de Maillane est en réalité ce que l’on nomme » le trigramme de St Ignace de Loyola ».
IGNACE DE LOYOLA (1491-1556) : L’hidalgo du Christ – Une vie, une œuvre [1991] Par Jacques Munier et Jean-Claude Loiseau. Émission diffusée pour la première fois sur France Culture le 25.04.1991
Alors, redisons-le encore et toujours, il n’est absolument pas nécessaire d’être un.e croyant.e dans une quelconque religion pour comprendre le blason de Maillane. Toutefois, quelques éléments sont nécessairement à expliquer afin de bien le comprendre.
Continuons donc d’examiner des éléments historiques.
Nous avons en effet vu dans les précédents articles cités que le blason de Maillane est en réalité un ensemble de symboles : Jésus Christ par l’abréviation de son nom, les clous et la croix de la crucifixion ainsi que le sacré-coeur.
Nous avons vu que le fondateur de la communauté des Jésuites était à l’origine de la démocratisation de ceci.
Mais est-ce vraiment lui qui a diffusé ce symbole en premier ?
Bien évidemment que non. Continuons donc l’enquête sur les traces d’un autre Saint : Bernardin de Sienne (Italie), ou plus communément appelé « Saint Bernardin ».
Bernardin de Sienne (pourtant originaire de Massa Marittima en 1380, mais qui passa une grande partie de sa vie à Sienne, et la termina à L’Aquila en 1444) est un prédicateur franciscain du XVès.
C’est ainsi un moine, ayant la capacité d’agir en tant que prêtre, et qui a donc pour particularité de ne pas vivre dans un monastère, mais d’aller de ville en ville, de village en village, afin de prêcher des sermons dans les églises, mais aussi et surtout, très rapidement, sur des places publiques tant sa réputation d’orateur réussit à faire le tour de l’Italie en cette fin de Moyen-Age.
Son éloquence, et sa capacité à parler en termes concrets à la population firent sa renommée. Mais une de ses caractéristiques était de toujours orner ses sermons publics d’un petit tableau représentant les lettres « IHS » entourées d’un soleil.
Bernardin de Sienne présentant le trigramme IHS entouré d’un soleil incandescent. Source : Wikimedia
Devant son succès, d’autres moines franciscains prirent alors, eux aussi, cette habitude, et très rapidement ceci lança une polémique à l’initiative d’un autre moine : le dominicain Manfred de Vercelli (que Bernardin avait combattu précédemment, et qui devait, certainement, ne pas avoir oublié l’affront…).
Manfred de Vercelli reproche ainsi à Bernardin d’introduire dans l’esprit de ceux qui l’écoutaient alors un nouvel objet de dévotion, et donc d’idolâtrie : le trigramme de Jésus, IHS.
Durant 5 ans, et sous deux papes successifs (Martin V et Eugène IV), ses détracteurs tenteront de l’empêcher de prêcher. Sans succès. Mais toutefois, il lui fût interdit de montrer son trigramme lors de ses prêches afin d’apaiser les éventuels débordements.
Pour autant, ceci n’empêcha pas le peuple de continuer à diffuser cette habitude, en commençant notamment par inclure ce motif sur les linteaux et les façades des bâtiments publics en Italie, mais en France également jusqu’à la fin du XVIIIès !
Façade du Palazzo Publico (bâtiment administratif) de la ville de Sienne. Source : Wikimedia
Et c’est là que cette habitude devient intéressante.
Car vous l’avez vu dans l’introduction de cette série d’articles, il existe différents endroits dans Maillane où le trigramme IHS apparait. Mais est-ce quelque chose d’unique ? Pas vraiment. Il s’agit simplement d’une habitude venue d’Italie et passée par les Alpes. Ainsi, je vous invite à consulter une étude réalisée en 2014 sur la présence de ce trigramme dans les Alpes Maritimes :
Vous y découvrirez notamment une représentation de 1659 présente dans le village de Biot (06420) qui devrait vous interpeller et vous permettre de mieux comprendre..
La Place des cafés, officiellement, Place Frédéric Mistral, comptait plusieurs établissements au début des années 1900.
Le Café des Marronniers (1902), le Café Susini (démoli en 1902), le Café Courbier (1899), le Café Pascalon (1873) devenu par la suite le Café de France, le Café Henri IV (1919), siège des Royalistes.
Le Café Pécout (1891), puis Achard (1919), actuellement le Café du Progrès,
Jeux de cartes, discussions animées, et quelque peu arrosées parfois, faisaient de ces lieux et terrasses le cœur du village.
Il exista même de 1897 à 1914, route de Graveson, une buvette, appelée aussi Café de l’Avenue, et où, les jours de fêtes, il y avait « Café-Concert », ancêtre certain de nos bodegas !
La Place reste aujourd’hui un lieu essentiel et incontournable dans la vie du village. Elle est encore aujourd’hui le théâtre de toutes les fêtes et manifestations importantes de Maillane.
Quand au Café du Soleil, Lou Souleu, à l’origine le Café Raffin, il fût baptisé ainsi par Frédéric Mistral et en devint de ce fait un lieu mythique pour les Maillanais très fiers de leur poète.
Prix Nobel de littérature, Frédéric Mistral n’en était pas moins attaché à son village natal et c’est Café du Soleil qu’il aimait rencontrer ses concitoyens et jouer aux cartes (pas très bien d’après les témoins de l’époque…)
Frédéri Mistral au café du Soleil
Merci à Laurence BOUISSON pour le partage du fruit de ses recherches.